Waterloo 2015 : Thénardier, un héros de notre temps
"En juin 2015, soyez au cœur d’un événement grandiose qui continue d’alimenter l’imaginaire collectif : la Bataille de Waterloo !
(…) Assistez aux deux spectacles grandioses reconstituant deux phases différentes de la Bataille. Ces spectacles seront différents, conviviaux, riches en émotions fortes et à vivre et ce aux premières loges". Asbl Bataille de Waterloo 1815 (*)
Salopards. Minables. Assassins par contumace. Encenseurs sordides d'un crime contre l'humanité. Oui, la Région wallonne (qui a accordé des subsides) et l'Asbl Bataille de Waterloo 1815 (l'organisateur du "spectacle") méritent d'être trainés devant les tribunaux pour révisionnisme écoeurant et apologie de la guerre ramenée à un spectacle "riches en émotions fortes et à vivre et ce aux premières loges".
"Waterloo est de toutes les batailles rangées celle qui a le plus petit front sur un tel nombre de combattants. Napoléon, trois quarts de lieue, Wellington, une demi-lieue; soixante-douze mille combattants de chaque côté. De cette épaisseur vint le carnage" avait pourtant écrit Victor Hugo dans les Misérables.
Mais du 18 au 20 juin, l'Asbl Bataille de Waterloo 1815 nous offrira un péplum d'un des plus grands massacres de l'histoire humaine. La Grande Bataille, -pour reprendre le terme historique répugnant utilisé par le catalogue publicitaire de l'événement-, a déchiqueté des dizaines de milliers de vies humaines en une seule journée. Même les camps d'extermination nazi n'ont jamais atteint un tel niveau d'efficacité. Selon les sources, en effet, La Grande Bataille "spectacle convivial" a fait entre 30.000 et 60.000 victimes en une dizaine d'heures. Waterloo, c'est donc Hiroshima, mais avec une plaine-sépulture qui ne cesse d'être polluée jusqu'à aujourd'hui par la bave des increvables thuriféraires du "formidable" art militaire de Napoléon et de Wellington et par le cynisme des Tour-Operateurs.
Pas de recueillement, pas de "plus jamais ça". Pas de larmes. Pas de silence sidéré devant tant de souffrances humaines absurdement sacrifiées par des chefs militaires ubuesques. Pas de Tribunal de La Haye posthume qui établirait à tout jamais que Napoléon = Wellington = Hitler.
Non. Au lieu de ça, les 200 ans de la Bataille de Waterloo tels qu’on nous les présentera , ce sera Treblinka commémoré sous forme d’un bal masqué, d’un carnaval haut en couleurs et en costumes, d'un défilé folklorique dans une ambiance bon enfant, d'un spectacle qui va booster l'économie du Brabant Wallon.
Les 18, 19 et 20 juin, on assistera donc au pire. A l'atroce du mauvais goût qui vaudra bien les mises en videos pathétiques de l'Etat Islamique qu'on imagine sans peine reconstituées d'ici cent ou deux cents ans sous forme d'un spectaculaire sons et lumières avec une flopée de figurants et une bande son d'un DJ qui proposera un remix post-électronico-rap de Scheherazade de Rimski-Korsakov. The show must go on. Et l'histoire doit être fun.
Avec le tourisme événementiel qui jouera les Thénardiers pour dépouiller ce bain de sang océanique de sa dimension tragique. Donnant au massacre cruel la patine de l'épopée et l'alibi du grand basculement de l'histoire.
Pourtant, Waterloo est un charnier lugubre qui deux siècles plus tard fait encore froid dans le dos. Waterloo est l'une des pages noires de l'histoire de l'humanité, l'une des nombreuses pages noires, il est vrai, d'un livre tellement sombre qu'il semble avoir été écrit avec une plume trempée dans la nuit des temps. Waterloo est une tache d'encre liquide comme le sang qui ne sèchera jamais. Et qui porte à tout jamais la couleur du deuil.
Dupk
(*) "COMBI PASS
Le 18 juin 2015 de 18h à 21h + le 18 juin 2015 à 22h30 + le 19 juin ou 20 juin 2015 à 20h. Places assises à partir de 92,75€". Asbl Bataille de Waterloo 1815.
Sons et lumières “Waterloo, the day after” à Namur. Vivez l’après bataille de Waterloo à la Citadelle de Namur avec la ballade nocturne sons et lumières “Waterloo, the day after” les weekends de juillet 2015. belgique-tourisme.be
